Sans titreC’est peu dire que la Belgique a vibré et vécu au rythme des diables rouges et de la coupe du monde de football ce début d’été. En sera-t-il de même pour les « Belgian red Flames » et la coupe du monde de football féminin l’an prochain ? Rien n’est moins sûr…

Adepte du football et enthousiasmée par ce sport, je me suis souvent étonnée de la faible participation des femmes à celui-ci. Y-a-t-il eut un jour une confusion entre le genre du mot et le genre des personnes qui sont autorisées à le pratiquer ? Le rugby, le football, le moto-cross étant des sports plutôt masculins. La gymnastique et la danse étant des sports plutôt féminins. Et pour ce qui est de l’équitation, le « l » apostrophe laisse planer le doute à ceux qui n’utilisent pas souvent le dictionnaire.

Cette réponse serait trop simple et tous ne seraient pas d’accord de porter autant de crédit au genre. La vertu serait féminine tandis que le vice masculin !

De l’étonnement créé par ma situation de fille joueuse nait mon propre étonnement : « Pourquoi est-il si inhabituel pour une femme d’exercer un sport qui se résume pour certain à envoyer un ballon à l’aide de son pied ou de sa tête dans un goal ». Ce sport allie entre autres choses : agilité, effort, coopération et compétition. Lequel de ces quatre mots ne s’accorde pas à mon statut de femme ?

Revenons en arrière…

Les questions sans réponse sont souvent la résultante d’une tradition, d’une histoire lointaine dont le sens s’est perdu, mais dont les faits demeurent. En réalisant des recherches, je me suis rendue compte qu’une autre femme était arrivée au même constat : Laurence Prudhomme-Poncet. Elle est l’auteur de l’ouvrage « Histoire du football féminin au XXe siècle » paru aux éditions L’Harmattan en 2003. Elle est par ailleurs professeur d’éducation physique. Elle répond à cette question dans une interview mené par Gaëlle Rolin paru au figaro le 28 septembre 2007 ; article ayant comme titre : « Football : les femmes sur la touche », il s’agit ici du football français.

« Le football n’intéresse-t-il réellement pas les femmes ou est-ce un tabou culturel ?

Le football féminin a toujours été marqué par des préjugés, et ce, depuis sa création, dans les années 20. Selon les hommes, il était accusé d’entraver la maternité. Dans le contexte de relance des naissances d’après-guerre, cela revêtait une importance toute particulière. Et puis, toujours aux yeux des hommes, la pratique du football donnait aux femmes une allure garçonnière.

Des préjugés qui n’ont pas beaucoup évolué, près d’un siècle plus tard, et qui se retrouvent dans beaucoup de sports. Par exemple, si le Tour de France masculin est très suivi, on parle très peu du Tour de France féminin, où les Françaises ont pourtant de bons résultats. Ce sont des domaines qui restent réservés aux hommes ».[1]

Il faut donc remonter aux premières heures de ce sport joué par les femmes pour mieux comprendre le passé qui nous hante. Le football féminin existe depuis la fin du 19ième siècle en Angleterre et en Ecosse[2]. Si l’on prend connaissance des recherches effectuées par Laurence Prudhomme-Poncet, on tombe sur certains écrits qui montrent la vision du football dans les années 1920. Henri Desgranges, du quotidien sportif français « L’auto » affirme en 1925 : « Que les jeunes filles fassent du sport entre elles, dans un terrain rigoureusement clos, inaccessible au public : oui d’accord. Mais qu’elles se donnent en spectacle, à certains jours de fêtes, où sera convié le public, qu’elles osent même courir après un ballon dans une prairie qui n’est pas entourée de murs épais, voilà qui est intolérable ».[3] Le football a donc été très tôt considéré comme un sport pour les hommes. Et ces commentaires ne reflètent pas tant la peur de l’infertilité que la discordance entre le football et l’image de la femme que se fait ce cher Monsieur. Le football féminin vivote donc à ses débuts, ce n’est qu’à la seconde moitié des années 1960, affirme Laurence Prudhomme ; qu’on assiste à un renouveau du football féminin. En 1969-1970, les fédérations anglaise, française et allemande reconnaissent le football féminin. Même si « non officielle », une première coupe d’Europe est organisée en 1969 entre l’Angleterre, le Danemark, la France et l’Italie[4].

Ce n’est qu’en 1984 que l’UEFA (Union européenne de Football Association) et en 1991 que la FIFA (Fédération internationale de Football Association) conviennent qu’il faut mettre en place des compétitions « officielles ».[5]

Et encore plus en arrière…

Si l’on en croit ces écrits, déjà à la naissance du football, ce sport était tourné vers les hommes. Ceci nous pousse à remonter plus encore dans l’histoire du football. Ce qui nous amène à découvrir son ancêtre: la « soule ». A l’origine, la soule était une boule, soit en bois, soit en cuir, remplie de foin ou même gonflée d’air. [6]« On s’emparait du ballon à grands coups de poing ou de pied, parfois à coups de bâtons recourbés… Les rencontres étaient extrêmement violentes, et l’on conserve des lettres de rémission du XIV siècle accordant le pardon à des maladroits qui avaient fendu la tête d’un adversaire au lieu de frapper le ballon »[7]. Le Larousse du football nous informe du genre des joueurs qui pratiquaient la soule en Bretagne et en Picardie (jusqu’au XIXème siècle) : « la soule mettait aux prise les jeunes de deux villages, ou bien les mariés et les célibataires quand la partie était disputée dans le village »[8]. Il s’agit de la seule trace sur le genre que nous ayons trouvée puisque les écrits faisaient plutôt état des classes sociales auxquelles appartenaient les joueurs. Mais cette recherche nous montre que ce sport était fort violent, ce qui explique peut-être ce sentiment pour certain que c’était un sport pratiqué par les hommes.

Concernant la Belgique ?

Dans les années 1920 et 1930, un championnat de football féminin existait déjà mais était interdit par la Fédération. Ce n’est qu’en 1973 que fut créé le championnat de Belgique de football féminin.[9]

Une équipe de Belgique de football féminin présente la Belgique sur la scène internationale. Elle est sous l’égide de la Fédération de Belgique de football. Cette équipe ne s’est jamais qualifiée pour aucune compétition internationale, que ce soit pour le Championnat d’Europe (1984-2013), pour la Coupe du Monde (1991-2011) ou aux Jeux Olympiques (1996-2012).[10]

Le cas des Etats-Unis

Un autre constat est intéressant à prendre en considération : même si en Belgique, le football féminin n’est pas fort développé, pourquoi n’en est-il pas de même aux Etats-Unis. Laurence Prudhomme-Poncet explique l’intérêt porté au football aux Etats-Unis dans l’interview précédemment citée :

« Pourquoi le foot féminin marche-t-il très fort aux États-Unis, alors que le soccer n’est pas du tout populaire ?

C’est vrai que le soccer n’est pas du tout un sport de masse, contrairement au base-ball ou au football américain. Il est toujours considéré comme un sport d’immigrant. Et c’est justement parce que le soccer masculin ne marche pas que les femmes ont pu y faire leur place. Parce qu’il n’était justement pas étiqueté « masculin ». La pratique de ce sport s’est développée et a été encouragée par la U.S. Soccer Federation, qui a donné des moyens aux filles, parce que c’était une façon de briller dans ce sport à un haut niveau, là où les équipes masculines échouaient ».[11]

Situation d’une footballeuse amatrice belge

Je joue actuellement dans deux équipes : une équipe qui joue hors compétition et une en compétition. La première a été formée il y a deux ans par des mères et des sœurs de footballeur. Elle commence à affronter amicalement d’autres équipes féminines de la région. La deuxième est une équipe Irlandaise qui évolue dans une league appelée KBLVB (Koninklijke Belgische Liefhebbersvoetbalbond), celle-ci me permet de pratiquer mon sport préféré et la langue anglaise. De nombreuses amies jouent, quant à elles, également dans des équipes de mini-foot dans une certaine Hêbê league. Les matchs se jouent à six par équipes. Ces équipes doivent être formées de cinq hommes et au moins d’une femme. Les règles sont fort similaires à celles du mini-foot mise à part la suivante: « si la femme marque, l’équipe score deux points au lieu d’un… ».

Vous l’auriez deviné, dans notre pays, le football ne se donne aucun genre, mais d’aucuns continuent trop souvent à lui en attribuer un, pour mieux snober ses représentantes féminines ! Dopage, corruption[i], surenchère financière, cela a au moins le mérite de mieux les préserver des dérives du sport-spectacle professionnel.

Fille ou garçon, ado ou enfant, si votre progéniture marque un intérêt pour un jeu sportif quel qu’il soit, puisse cet article vous aider à l’encourager à s’y essayer sans jugement stéréotypé.  Quant au football féminin belge, il représente aujourd’hui, bon an mal an, plus de 16000 licenciées (pour 413000 licenciés) réparties en 228 clubs ce qui n’est finalement pas si mal compte tenu d’une médiatisation balbutiante. N’hésitez pas à nous rejoindre si le cœur vous en dit !

Auteur

Capucine Delwart J

Footballeuse, logopède spécialiste en «sciences et techniques du jeu»

[1]http://madame.lefigaro.fr/societe/football-femmes-sur-touche-280907-24270, le 3 juin 2014.

[2]http://fr.wikipedia.org/wiki/Football, le 3 juin 2014.

[3]http://fr.wikipedia.org/wiki/Football, le 3 juin 2014.

[4]http://fr.wikipedia.org/wiki/Football, le 3 juin 2014.

[5] http://fr.wikipedia.org/wiki/Football, le 3 juin 2014.

[6]Encyclopaedia Universalis, corpus 17,1985,  p113.

[7]Encyclopaedia Universalis, corpus 17,1985,  p113.

[8] Larousse du Football, Larousse, 2000, p38.

[9] http://fr.wikipedia.org/wiki/Championnat_de_Belgique_de_football_f%C3%A9minin_D1, le 3 juin 2014.

[10] http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quipe_de_Belgique_de_football_f%C3%A9minin, le 3 juin 2014.

[11] http://madame.lefigaro.fr/feminin/interview-laurence-prudhomme-poncet-suite-et-fin-091210-24269, le 3 juin 2014.

Coordonnées Fédération URBSFA et clubs : www.footbel.com. Tél 02/477.12.11

[i] Cf Constats alarmants du « Rapport anticorruption de l’Union européenne », février 2014

(photo: couverture de l’excellent « Géopolitique du sport » de Pascal Boniface paru récemment chez Armand Colin)