Le jeu n'est pas l'inverse du sérieux, c'est l'inverse de la réalité
« Le jeu n’est pas l’inverse du sérieux, c’est l’inverse de la réalité »

Le jeu, sans doute, nous dépasse,  « le temps est un enfant qui joue » nous rappelle Héraclite dès le 6e siècle avant JC.   

Tentant pourtant d’en cerner les enjeux humains, dans l’éthique à Nicomaque, Aristote constate que l’homme doit parfois jouer et s’adonner aux loisirs car il ne peut être sérieux et travailler tout le temps. Il appelle cette vertu l’eutrapélie. Cette vision du jeu  utile seulement en contrepoint du travail a profondément marqué la pensée occidentale ; elle explique pourquoi le jeu est encore souvent aujourd’hui perçu péjorativement comme futile ou sans conséquences.

Dans Larousse et dans les Roberts on peut trouver : « Le jeu est une activité qui dans le chef de celui qui s’y adonne n’a d’autre but que le plaisir qu’elle procure » .

Dans « Au-delà du principe de plaisir » (1920), Freud écrit : « Le jeu n’est pas l’inverse du sérieux, c’est l’inverse de la réalité ». Le jeu est une réalité seconde, un état modifié de conscience qui nous pousse à affronter des défis aux issues incertaines mais aux conséquences perçues comme moins grave que la vie réelle.

L’homme s’autorise cette parenthèse d’existence sécurisante comme une école de vie : dans le jeu il expérimente des incertitudes, prend des risques, revit des angoisses, des expériences de vie tout en ayant droit à l’erreur. Le jeu est donc d’abord clinique, mais tout jeu est dès lors également éducatif par nature, il n’est jamais sans conséquences : il nous permet d’apprendre, acte essentiel, tout au long de son existence pour l’être humain plus encore que pour les autres mammifères. 

La sensation magique qu’il procure est à la fois naturelle et chimique :  Jouer comme faire l’amour, active le circuit des récompenses, les hormones de plaisir qui encouragent les activités indispensables à la pérennisation de l’espèce.

Le jeu nous construit, nous entretient et, au besoin, nous répare. Il est temps de le prendre au sérieux. C’est-à-dire faire toute chose sérieusement sans se prendre au sérieux.

M. VLG