Décembre 2022. HE2B Campus pédagogique Defré.  Analyse des compétences transversales sollicitées au cours d’une partie des Loups-garous de Thiercelieux à l’aide des cartes « Ludovortex »

Un concept pluriel : pédagogie du jeu et pédagogie des jeux  

La ludopédagogie comprend d’une part la pédagogie du jeu centrée sur l’attitude ludique et la ludification des apprentissages et, d’autre part, la pédagogie des jeux qui consiste à créer, adapter et utiliser des jeux à règles préétablies à des fins pédagogiques. Ces deux manières de la concevoir sont complémentaires et doivent idéalement être combinées.

L’attitude ludique est la disposition d’esprit du joueur qui fait de son activité un jeu. Elle lui permet d’agir en prenant de la distance par rapport à lui-même et aux événements, d’affronter des incertitudes, des difficultés avec humour, de rebondir face à l’adversité [1]

La thèse de doctorat[2] consacrée à l’attitude ludique dans le domaine de la santé insiste sur un précieux transfert possible dans la vie quotidienne. Elle la définit plus précisément comme : “la prédisposition de l’individu composée essentiellement de créativité, de curiosité, de sens de l’humour, de plaisir et de spontanéité qui modifie la façon de percevoir, d’évaluer et d’aborder les situations. À l’âge adulte, l’attitude ludique déborde des situations de jeu et s’étend aux situations de la vie en général… elle permet à l’adulte de se distancier de soi, d’autrui, des circonstances, et même des usages conventionnels pour aborder les situations avec ouverture d’esprit, pour trouver des solutions originales aux problèmes rencontrés et pour affronter et accepter les difficultés et les échecs.” 

Cependant l’attitude ludique ne suffit pas à transformer une activité d’apprentissage en un jeu…   

Qu’est-ce que le jeu ?

Rude question d’ordre philosophique.  Dans « les testaments trahis » Milan Kundera tente une ébauche de réponse : « Mais le jeu qu’est-ce que c’est en fait ? Tout jeu est fondé sur des règles, et plus les règles sont sévères, plus le jeu est jeu. Contrairement au joueur d’échecs, l’artiste invente ses règles lui-même »[3] … tel le concepteur de jeu ou l’enfant qui joue.

Si le jeu strictement réglé est jeu, c’est parce qu’il permet à la liberté du joueur de mieux s’exprimer. « Dès qu’un homme se saisit comme libre et veut user de cette liberté, quelle que puisse être son angoisse, son activité est de jeu. »[4]  écrit Sartre, dans l’Etre et le Néant, mais lorsque la liberté est totale, il n’y a plus de jeu il ne reste plus que l’angoisse. C’est le drame de l’enfant-roi et de certains artistes en panne d’inspiration. Quelques-uns s’imposent d’ailleurs d’emblée des règles strictes en guise d’ouvroirs, c’est la démarche de l’Oulipo en littérature, de L’Oupeinpo en peinture etc… « Le jeu est une – légaliberté-, une liberté créée dans et par une légalité »[5], conclut le philosophe contemporain Cola Duflo.

La démarche ludopédagogique consiste dès lors d’une part à ludifier l’activité c’est-à-dire encourager l’attitude ludique en lui donnant les attributs du jeu et d’autre part à fournir un cadre minimum rassurant qui structure l’activité et permet à cette attitude ludique de s’exprimer.

Par ailleurs, si cette dernière favorise l’autonomie et la créativité, les jeux de société sont quant à eux essentiels en matière de socialisation : on y apprend à vivre ensemble en respectant des règles communes, à se confronter aux autres mais aussi à s’entraider comme nous le rappelle un numéro récent de la revue « Internazionale ».[6]    

1] D’après HENRIOT J. Le jeu, Puf, 1969 et Sous couleur de jouer. La métaphore ludique, Jacques Corti, 1989

[2] GUITARD P. sous la direction de FERLAND F. L’attitude ludique chez l’adulte, définition conceptuelle et utilisation en ergothérapie, Université de Montréal, Faculté de Médecine, décembre 2002 

[3] KUNDERA M. Les testaments trahis, Gallimard, Paris, 1993

[4] SARTRE J.P. L’être et le néant, (1943), Gallimard, Paris, 1994

[5] DUFLO C. Jouer et philosopher, Puf, Paris, 1997

[6] BLASDEL Alex « Giocattoli da ripensare”. In Internazionale, n°1491, anno 30, 16-22 dicembre 2022, pp.44-51 

L’apprentissage par les jeux, un très vieux débat…  

Illustration de Vincent Rif (couverture du livre « Platon vs Aristote », de Brabandere & Mikolajczak, déc. 2021).

La ludopédagogie a toujours fait débat dans la pensée occidentale, mais elle a été plébiscitée  à toutes les époques depuis l’Antiquité par de nombreux praticiens.

Dès le 4e siècle avant JC, Platon écrit : « Je définis l’éducation comme une discipline bien entendue qui, par voie d’amusement, conduit l’âme d’un enfant à aimer ce qui, lorsqu’il sera devenu grand, doit le rendre accompli dans le genre de vie qu’il a embrassé. »[1]

De fait, les (ludo)pédagogues de l’Antiquité étaient souvent représentés un sac d’osselets à la main[2] et, par exemple, le dé à 20 faces de nos jeux de rôles n’est autre que l’un des solides de Platon[3]. Au-delà de ses propriétés mathématiques, on a notamment retrouvé de nombreux exemplaires antiques pourvus d’une lettre différente de l’alphabet grec sur chacune de ses faces[4], préfigurant des jeux de vocabulaire actuels tels le jeu  « Boggle ».


[1] Cité dans REBECQ-MAILLARD M-M. « Histoire des jeux éducatifs de l’Antiquité au XXe siècle », Paris, Nathan, 1969, p.4

[2] Cf notamment « Pédagogue, un sac d’osselet à la main, Argile , Athènes IIe siècle » in : Catalogue de l’exposition « Art du  jeu, Jeu dans l’art », musée Cluny, 2012

[3] Dans son dialogue «  Timée », vers 358 av. J-C, Platon associe 4 solides aux 4 éléments. L’icosaèdre à 20 faces est associé à l’eau. 

[4] Dès « icosaèdres » grecs et romains. Illustrations 1, 4 et 5 : Catalogue de l’exposition « Art du jeu, Jeu dans l’art », Musée Cluny, Paris, 2012, p.145. Illustration 2 : LHOTE, Jean-Marie Histoire des jeux de société, Flammarion, Paris, 1994, p.143   


Les exemples datant de l’époque romaine sont également légions :  « Que l’étude pour l’enfant soit un jeu » écrit Quintilien qui à l’instar d’Horace décrit les pâtissiers de Rome confectionnant de petits gâteaux en forme de lettres pour que les jeunes romains aient la connaissance de l’alphabet par la reconnaissance du ventre[1].   

Mais c’est la pensée d’Aristote, disciple rebelle de Platon plus attaché que lui à la gratuité du jeu qui s’imposera le plus durablement dans la tradition occidentale. Dans son éthique à Nicomaque (vers 300 avant JC), il affirme que le jeu est utile à l’homme en tant que délassement parce qu’il ne peut travailler tout le temps. Il nomme cette vertu l’eutrapélie.

[1] Cité dans REBECQ-MAILLARD M-M. ibid, p.5

Fondements de l’usage du jeu dans les domaines éducatif, social et de la santé

Cette vision du jeu toléré seulement en contrepoint du travail a profondément marqué la pensée occidentale ; elle explique pourquoi le jeu est encore souvent aujourd’hui perçu péjorativement comme futile ou sans conséquences. Dans Larousse et dans les Roberts on peut trouver : « Le jeu est une activité qui dans le chef de celui qui s’y adonne n’a d’autre but que le plaisir qu’elle procure ».

Avant même de publier son essai « Au-delà du principe de plaisir » (1920), dans « La création littéraire et le rêve éveillé » Freud affirme pourtant dès 1908 que « le jeu n’est pas le contraire du sérieux, mais le contraire de la réalité »[1] . Le jeu est une réalité seconde, un état modifié de conscience qui nous pousse à affronter des défis aux issues incertaines mais aux conséquences perçues comme moins grave que la vie réelle.

L’homme s’autorise cette parenthèse d’existence sécurisante comme une école de vie : dans le jeu il expérimente des incertitudes, prend des risques, revit des angoisses, des expériences de vie tout en ayant droit à l’erreur. Le jeu est donc d’abord clinique, mais tout jeu est dès lors également éducatif par nature, il n’est jamais sans conséquences : il nous permet d’apprendre, acte essentiel, tout au long de notre existence pour l’être humain plus encore que pour les autres mammifères. 

La sensation magique qu’il procure est à la fois naturelle et chimique :  Jouer comme faire l’amour, active le circuit des récompenses, les hormones de plaisir qui encouragent les activités indispensables à la pérennisation de l’espèce.

Le(s) jeu(x) en éducation formelle : une reconnaissance particulièrement tardive dans le monde francophone

Une étude comparative des systèmes éducatifs formels anglo-saxons, nordiques, germaniques et latins présentée au colloque International Toy Research Association (ITRA, Paris, juillet 2018[2]) montre que les trois premiers utilisent très largement le(s) jeu(x) dès la seconde moitié du 20e siècle. Le dernier y compris le système belge francophone apparait très disparate mais globalement plus longtemps en retrait, sous l’influence du système éducatif républicain malgré les travaux des tenants de l’éducation nouvelle et des psychologues (socio-)constructivistes favorables aux jeux. Les choses ont progressivement évolué depuis la publication du Décret-missions (1997).

Des colloques[3] (UCL en novembre 2000 ; ULB campus de Parentville en octobre 2004) ont préludé au dossier « Le jeu comme outil pédagogique ? » publié en 2006 par la Direction de la Recherche en Pédagogie, du Pilotage de l’Enseignement de la Communauté française[4]. Plus qu’un encouragement, leurs conclusions unanimes sonnaient déjà comme un plébiscite. A titre d’exemple, Alexis Deweys, le directeur et coordinateur du dossier écrit :  « La pratique du jeu, tant dans l’enseignement spécialisé qu’ordinaire permet de répondre aux objectifs prioritaires de leurs projets éducatifs respectifs. Elle permet en effet d’amener les élèves vers une plus grande autonomie, une plus grande confiance en soi, une meilleure socialisation, un développement des capacités communicatives, sans négliger de les pousser à développer des savoirs, des savoir-faire, et des compétences disciplinaires, en s’appuyant sur une motivation plus spontanée ».        

Une thèse ludopédagogique (Sylvie Van Lint, ULB, 2015) publiée en 2016 (de boeck[5]) montre notamment comment enseigner les compétences scolaires disciplinaires et transversales à l’aide de jeux alors que les enseignants peinent souvent à les prendre parfaitement en compte.

Vers une reconnaissance empirique globale

Celui ou celle qui inventera la maïzena de l’enseignement sera prix Nobel. La ludopédagogie est un champ de pédagogies actives, méthodes pédagogiques parmi d’autres avec leurs qualités et leurs défauts, pas une panacée. Utiliser des jeux en classe ou en formations ne s’improvise pas, il s’agit de bien connaître ses publics et ses outils, être formé à leur usage et à mener un debriefing adéquat permettant de mettre des mots sur les expériences et de fixer les apprentissages.  

Si pas encore pleinement reconnue, l’efficacité de la ludopédagogie est cependant scientifiquement établie. En 2007, une  méta-analyse canadienne[6] a passé en revue 1784 articles sur les impacts du jeu sur les apprentissages publié de par le monde entre 1998 et 2005. Les 449 études jugées suffisamment pertinentes confirmaient globalement son efficacité à la fois en termes de motivation, de socialisation, de structuration de la pensée, de mémorisation et de résolution de problèmes.

L’importance pédagogique du jeu et l’adaptation des jeux de société plébiscitée par les neurosciences

Ludification

La ludification de nombreuses activités humaines et notamment des formations d’adultes consiste à  transposer des attributs du jeu dans des domaines inédits à des fins motivationnelles.   

Attitude ludique du formateur,  usage de matériel ludique tel des cartes, des dés, des pions, un sifflet… recourir à un système de points et de récompenses immédiates, monter de niveau organiser un concours, susciter l’émulation…

Cette méthode d’apprentissage ludifiée reprise par les formateurs utilisant de nombreux jeux-cadres rencontre un succès non démenti de longue date en andragogie. Elle améliore la motivation des participants mais, répétons-le, ne suffit pas pour transformer l’activité en un véritable jeu. Certaines associations spécialisées[7] préfèrent dès lors parler d’Activités Ludo-Pédagogiques (ALP) que de jeux-cadres. En contexte scolaire, mentionnons le succès international de la méthode de ludification Classcraft initiée au Canada à partir de 2013 et qui concerne aujourd’hui des milliers de classes de par le monde.  Chaque élève a un avatar qu’il équipe en fonction de points reçus selon son comportement scolaire (ponctualité, assiduité, participation, concentration, etc…).            

Jeux spécifiques

A toutes les époques des hommes ont créé des jeux à usage pédagogique spécifique. Ce sont d’ailleurs les premiers auteurs de jeux attestés.  

Citons « Le Ludus regularis seu clericalis » de Wibold de Cambrai pour enseigner les valeurs morales aux moines de son abbaye  au Xe siècle, la « Rithmomachie » de Asilio de Würzburg au XIe siècle pour les mathématiques, l’Ouranomachie et la Métromachie par William Fulke à l’université de Cambridge au XVIe siècle pour l’astronomie, la géométrie et l’art militaire (cf. illustrations), le Bureau typographique de Louis Dumas à Paris au XVIIIe pour l’apprentissage de l’alphabet.    


[1] FREUD S. (1908) Trad. Gallimard, Paris , 1971

[2] VAN LANGENDONCKT M. From « Edutainment” to “ Ludopedagogy”: boardgames in classrooms, ITRA Colloquium, Paris, 12/7/2018  

[3] Voir notamment FOCANT J. « L’utilisation des jeux de stratégie à l’école primaire : définition et résultats de recherches » in : VAN NIEUWENHOVEN C (éd.), Pourquoi tu joues ? Rôle du jeu dans le développement de l’enfant, Presses universitaires de Louvain, Louvain-la-Neuve, 2001  

[4] DEWEYS, A. Le jeu comme outil pédagogique ? Les Nouvelles de l’Observatoire, Bruxelles : Administration générale de l’Enseignement et de la Recherche scientifique, 2006

[5] VAN LINT Sylvie. Jeu et compétences scolaires. Comment enseigner les compétences à l’école, Le point sur la Pédagogie, de boeck Education, LLN, 2016  

[6] SAUVE L., RENAUD L. & GAUVIN M. Une analyse des écrits sur les impacts du jeu sur l’apprentissage. Revue de sciences de l’éducation, Volume 23, n°1, Québec, 2007.

[7] Cf notamment www.now.be


La reconnaissance officielle de l’utilisation des jeux de société en classe est cependant récente en Occident et concerne tout d’abord des jeux traditionnels. Une Directive européenne, la Déclaration du Parlement européen du 15 mars 2012 sur l’introduction du programme “Le jeu d’échecs à l’école” dans les systèmes éducatifs de l’Union, a permis de l’instituer dans plusieurs pays européens comme l’Espagne, l’Allemagne et la Belgique où une période de cours par semaine peut y être consacrée dans chaque classe primaire dans l’enseignement francophone. 

En Russie et en Inde le jeu d’échecs est au programme des cours depuis la fin du siècle dernier. Citons encore le Go au Japon et les jeux de semis tels le Mangala dans les écoles turques et le Toguz Kumalak dans les écoles des républiques turcophones d’Asie centrale. Ces deux jeux sont les premiers jeux cognitifs reconnus au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité (décembre 2020)[1].   

La tendance actuelle à la relecture pédagogique des jeux d’édition contemporains.

On assiste à un renouveau des jeux de société depuis la fin du siècle dernier. Le mouvement initié en Allemagne est aujourd’hui international à la faveur de la traduction de titres tels Colons de Catane puis Carcassonne, Les aventuriers du rail et bien d’autres. Ces types de jeux connus de par le monde sous le nom d’Eurogames[2] ont des mécanismes riches et diversifiés qui séduisent un public sans cesse plus large.  Plus de 2000 titres paraissent désormais chaque année en Français et constituent une culture émergeante en marge de celle des jeux vidéo.

Dans le monde francophone, le succès des jeux-cadres s’est d’abord construit en entreprises et autres andragogies (formations d’adultes). Ils proposent de simples jeux de simulation ou de rôles sans fiche de personnage basés sur un photo-langage ou un trivial pursuit parfois agrémenté d’un jeu de l’oie, un memory, un loto ou un domino, qui présentent l’avantage de ne nécessiter aucun matériel très spécifique ou onéreux.

La mécanique ludique assez pauvre se résume à un seul mécanisme parfaitement connu dont le rituel suffit à cadrer l’activité. Souvent il s’agit de jeux associatifs sans gagnant ni perdant où le défi consistant à interagir avec les autres se suffit à lui-même.

Aux spécialistes pionniers des années 70 et 80 tels Martine Mauriras-Bousquet[3] ont succédé une nouvelle génération et une littérature plus abondante. Parmi les ouvrages de référence citons « Jeux et jeux de rôle en formation » de Sophie Courau régulièrement réédité depuis 2006 ou « La ludo-pédagogie en action. Enseigner avec les jeux-cadres de Thiagi » de Bruno Hourst et Sivasailam Thiagarajan (2019).

Initialement jeux de niche socialement favorisée, les jeux de société sont de plus en plus accessibles et populaires. On les retrouve aujourd’hui en grandes surfaces et grandes enseignes du livre. Une partie suffisante de la population commence à être initiée à leur pratique ce qui permet d’enrichir la boite à outil des formateurs. Des jeux légèrement plus complexes ou originaux tels entre autres Bazar bizarre, Dixit, Concept, Time’s up, Just one, Timeline, Compatibility, Feelings ou Les loups garous de Thiercelieux sont à leur tour adaptés à des fins pédagogiques. La dynamique créative est la même que pour un jeu-cadre. La structure du jeu est gardée (parfois la règle est simplifiée), mais les supports et les contenus sont modifiés au gré des objectifs pédagogiques et des publics concernés.  

Les escape games du type Unlock ! (2017) issus de l’internationalisation du mouvement des escape rooms initié au Japon de manière compétitive (2007) puis en Hongrie (2011) de manière collaborative fournissent d’autres supports aux défis riches et variés. 

Ainsi la qualité ludique des formations ludopédagogiques évolue progressivement avec la culture ludique du formateur et des apprenants. Des outils créatifs comme les mécanicartes de Prismatik (2016) ont commencé à apparaître il y a quelques années.

Le service de Pédagogie Interactive en Promotion de la Santé (PIPSa) de Solidaris a orienté son nouveau plan d’action 2023 sur la ludopédagogie. En partenariat avec LUDO asbl il développe actuellement le Ludovortex[4] un outil d’analyse/ création/adaptation pédagogique de jeux de société. Ce dernier propose entre autres un catalogue de 65 mécanismes et de 30  compétences transversales. Il sera présenté à l’occasion du colloque « La santé en jeu(x) » les 27 et 28 mars prochains[5]


[1] Cf. VAN LANGENDONCKT M. « Un jeu de société enfin inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Le cas des mancalas, un monde de jeux à (re)découvrir ! » mis en ligne le 16 septembre 2022 sur  www.ludobel.be  

[2] Voir notamment la thèse doctorale de l’Australien Steward WOODS,  Eurogames: The Design, Culture and Play of Modern European Board Games Paperback – Mc Farland & Company, 2012

[3] Cf. MAURIRAS-BOUSQUET M. Théorie et pratique ludique, economica, Paris, 1984 

[4] Site www.Ludovortex.games LUDOVORTEX – Vingt mille jeux sous les mers (wordpress.com)

[5] SAVE THE DATE ! La Santé en jeu(x) (pipsa.be)

Les progrès des neurosciences consacrent le(s) jeu(x) à la base de tout apprentissage.

En octobre 2017, un dossier du magazine « Sciences humaines » intitulé « Comment apprend-on ? » réalise l’interview de Stanislas Dehaene du Collège de France qui insiste sur le rôle du jeu et des pédagogies actives. Il n’est pas anodin de constater que pour illustrer la flexibilité mentale, c’est un simple jeu d’édition contemporain vendu dans le commerce qui est choisi : « Bazar bizarre ».

En mars 2021 paraît « Le développement cognitif par le jeu. Comprendre l’importance du jeu pour renforcer les fonctions cognitives et exécutives »[1],  un petit ouvrage de vulgarisation qui fait le point sur ces questions. Là encore, ce sont de jeux de société contemporains qui sont cités en exemples et analysés (Salade de cafards, Panic Lab).

Un diplôme de spécialisation en ludopédagogie, un cours en formation initiale pour tous les futurs enseignants    

L’adaptation pédagogique de jeux de société est également le crédo privilégié par la Haute Ecole de Bruxelles-Brabant (HE2B) qui a inscrit la ludopédagogie au rang de ses priorités. Une ludothèque y a été fondée dans le département pédagogique dès 2000. Le diplôme BAC +4 en Sciences et Techniques du Jeu (STJ)[2] propose depuis 2013 à tout titulaire d’un BAC +3 une spécialisation d’une année en ludopédagogie. Ses diplômés contribuent à leur tour au rayonnement des jeux de société en classe[3] ou en entreprises[4] .

Dans le cadre du nouveau catalogue de formations continues élaboré par Wallonie-Bruxelles Enseignement, la HE2B et la Haute Ecole en Hainaut proposent de s’initier à la démarche « d’apprendre à apprendre avec la ludopédagogie »  

Enfin et surtout, dans le cadre de la Réforme de la Formation Initiale des Enseignants, la nouvelle grille HE2B de tous les futurs enseignants maternels, primaires et secondaires entrant en vigueur en septembre prochain prévoit un cours obligatoire de ludopédagogie assorti d’approfondissements optionnels.  

Les jeux sérieux numériques et la ludification de l’enseignement supérieur

Tant la ludification que l’usage de jeux sérieux et l’adaptation pédagogique de jeux de société concernent désormais l’enseignement supérieur en général. Le Liège Gaming Lab né en 2016 est centré sur les jeux vidéo comme objet culturel mais, en novembre 2020, le Louvain Learning Lab a publié une enquête « Jouer pour apprendre dans le supérieur Play-t-il ? » qui démontre un large usage de « jeux sérieux » dans son réseau où le jeu vidéo a sa place mais également l’adaptation de jeux de société[5].

Les jeux sérieux numériques sont utiles en ludopédagogie parmi les jeux d’éditions pédagogiques conçus pour un apprentissage précis. Malgré des efforts de simplification des langages de programmation, les contraintes techniques des jeux vidéo se prêtent plus difficilement aux adaptations et leur caractère fermé se prête moins à l’attitude ludique du joueur (certains titres comme Minecraft sont toutefois au contraire très créatifs). Par contre, ils ont inspiré la plupart des techniques de simple ludification des apprentissages déjà évoquées : points et système de récompenses immédiates et niveaux, concours et émulation, immersion narrative, etc…

Michel Van Langendonckt

NB : Article paru dans la revue « Eduquer » de la Ligue de l’Enseignement et de l’Education permanente, Janvier 2023.


[1] SAMIER R & JACQUES S., Tom Pousse, Paris, 2021

[2]  Diplôme de spécialisation en Sciences et techniques du jeu à l’IESSID (he2b.be)

[3] Entre autres…

Florence Nys et Sylvain Corrillon, ludopédagogues enseignants respectivement au département pédagogique de la Haute Ecole en Hainaut (HEH) et de la HE Galilée à Bruxelles, participent activement à la gestion interdisciplinaire de la ludothèque de leur institution.  Elsa Antunes et Nathalie Lambinet ont créé l’association « jeumaide ». Elles donnent des formations continues et collaborent au site « unjeudansmaclasse.com ». Arnaud Bulif crée des jeux pédagogiques dans le cadre des ateliers du Baobab.  Renaud Keymeulen a créé depuis 2018 un imposant réseau d’une quarantaine de ludothèques d’écoles appelées « Centre Ludopédagogiques  Des Talents (CLDT)» ainsi que le site « ludopédagogie.be ».

[4] Citons Geoffroy Simon et Nathalie Zandecki qui ont créé www.gamespirit.be pour « éclairer le potentiel humain au sein de l’entreprise par le jeu ». Ils ont été rejoints notamment par Renaud Willaime et Nicolas Ovigneur, et le collectif Ludilab (ludilab.be) fondé par Vi Tacq rejointe par Jonathan Smets et Jean-Emmanuel Barbier.    

[5] PELLON G « Jouer pour apprendre dans le supérieur. Play-t-il ? », Louvain-La-Neuve, 2020