L’homme n’était plus un loup pour l’homme il ne construisait plus de murs, mais seulement des ponts. Pleinement perçu comme l’un d’entre eux, et non des moindres, le jeu était enfin reconnu comme une activité d’utilité publique et soutenu comme telle.Le jeu n’était plus assimilé exclusivement au monde de l’enfance. L’homo sapiens assumait sa nature d’homo ludens. Rejetant ses avatars farcis d’argent, le jeu retrouvait sa fin en lui-même. L’adolescent ou l’adulte ne culpabilisait plus lorsqu’il ouvre une boîte de jeu. Devenu la règle et non l’exception, le joueur n’était plus confondu péjorativement avec le parieur.

Le renouveau du jeu de société était porté autant par le secteur public que par le secteur privé. Sortant d’une logique de court terme, soutenu par la population, le monde politique investissait massivement dans le jeu de qualité, artisan d’un monde meilleur par le rapprochement des gens. Professionnels, les ludothécaires exerçaient un métier à part entière. Les formations ludiques de niveau universitaire se multipliaient. Le jeu s’appréhendait comme un objet d’analyse aux multiples facettes ; d’argument de vente, son statut culturel devenait un fait connu et reconnu.

 

La loi du marché, n’était plus celle du meilleur profit à « bon marché », l’offre ludique s’adaptait à une demande exigeante en matière de qualité, de sécurité et d’éthique, soutenue par une législation adéquate se donnant les moyens d’être respectée. Maximisation culturelle sous contrainte de profit et non l’inverse, le marché ludique voyait ainsi la T.V.A. sur  les ventes de jeux ramenée à quelques pourcents, à l’instar des livres et, à défaut d’être remboursées par la sécurité sociale, les acheteurs voyaient les prix baisser.

 

Les jeux sportifs traditionnels faisaient la nique aux sports olympiques. Les jeux coopératifs procuraient autant de plaisir que les jeux compétitifs. Parmi eux, les jeux de rôle acquéraient une reconnaissance et plus seulement dans les mondes de l’entreprise et médical.   Aux côtés des jeux d’argent, seuls les jeux d’arcades solitaires faisaient sourciller la société qui ne voyaitplus aucun autre d’un mauvais œil.

 

Les gens prenaient conscience qu’en jeu comme en amour, les autodidactes sont rares. Une véritable éducation aux loisirs se faisaient jour. Sous chaque toit se décrétait un jour hebdomadaire sans écran, déclaré « ce soir, on joue en famille ». Les parents offraient un jeu à leur enfant non plus seulement en période de fêtes ou d’anniversaire, par dédouanement d’amour, mais n’importe quand, comme une promesse de plaisir au quotidien, de mille et une perles d’instants partagés.

 

Enfin, les bienfaits de Ludivine, la muse de la création ludique qui se penche sur tous les berceaux, ne s’estompaient plus avec « l’âge de raison ». Aucun jeu ne s’affirmait plus « pédagogique », mais chacun s’imposait tel, par nature. Par une attitude ludique, une distance, un humour, une pédagogie du détour, l’homme occidental réapprenait à être créatif toute sa vie, à composer avec les difficultés, à réinventer le monde. . Tout espace redevenait un espace de jeu ; tout objet, un jouet qui s’ignore ; tout jouet, le lieu de mille et un jeux potentiels. Les créateurs de jeux devenaient des artistes, des auteurs reconnus, adulés.

 

Martin  Ludo VLG

 

« Un rêve solitaire n’est qu’un rêve. Partagé, il devient projet. » (John Lennon).

 

Ce texte a été publié pour la première fois à l’occasion de la journée mondiale du jeu, le 28 mai 2003. Nous avons progressé, mais il reste tant à faire… rejoignez-nous !